Chronique – Cher Maître – Carole Lavenant

Cher Maître est un roman de Carole Lavenant.

Il est écrit à plusieurs voix via une narration à la troisième personne omnisciente. Cela permet de se glisser dans les pensées de nombreux personnages, dont le chat de la famille – très sympathique au demeurant -, mais également de l’antagoniste. Ce choix donne une vraie puissance au récit.

Au cours de notre lecture, nous suivons principalement Tom, jeune avocat et heureux papa d’un petit Dan avec son mari. 

Deux fils conducteurs s’entremêlent dans le roman avec d’un côté la vie professionnelle de Tom à l’occasion d’un procès qui réveille en lui de vieux démons et, d’un autre côté, sa vie personnelle et celle des membres de sa famille de cœur et de sang. Parmi eux nous rencontrons Joanny, la mère porteuse du petit Dan, qui vit une relation houleuse avec son compagnon. 

Cher Maître aborde de nombreux sujets tels que l’homophobie et la gestation pour autrui, mais aussi les familles recomposées, le pluriculturalisme et l’amitié.

Le mélange juridique/lutte contre l’homophobie n’est pas sans rappeler Philadelphia dans une certaine mesure.

La plume de l’autrice est facile à suivre avec une narration faite de phrases courtes.

C’est un roman que je conseille aux personnes qui aiment la justice, la sensualité, les références de culture populaire et l’amour sous toutes ses formes (sentiments amoureux, filiaux, amicaux).

Citations :

« Il n’avait jamais perdu un procès et ce n’était pas un novice à la queue de cheval qui briserait la longue liste à son actif.« 

« Il ne fallait être armé que de patience pour franchir la sécurité du tribunal.« 

Chronique : La petite voix — Mia Lee

La petite voix est une biographie de Mia Lee. De son premier souvenir à sa vie actuelle, elle nous trace sa vie, celle de Leela, celle de ses rencontres, de ses espoirs et de ses désillusions. Nous découvrons les souvenirs joyeux, mais aussi les agressions qui ponctuent son parcours.

Le récit, porté par une plume poétique, est émaillé de citations qui mettent en exergue les émotions croisées au fil des pages.

En conclusion, on découvre une superbe illustration, riche de symbolique, qui apporte un réel plus à l’ouvrage.

C’est un texte livré avec justesse, sans pathos, mais sans complaisance non plus.

Je recommande cette biographie à toutes les personnes qui cherchent à plonger dans la psyché d’autrui. La petite voix, c’est l’assurance de vivre un fort moment d’empathie.

Citations :

« Pénible était mon combat. Je savais que jamais je ne serais conforme aux normes de la société dans laquelle je vivais. »

« La culpabilité finissait toujours par m’envahir. »

« Moi-même je peinais à me supporter. »

Chronique : le sang des bravos – Nancy Black

Le sang des Bravos – Nancy Black

Ma chronique :

Je tiens tout d’abord à remercier Nancy Black pour sa confiance et pour m’avoir proposé ce roman en avant-première.

Le sang des Bravos est une dystopie d’anticipation dans un univers cyberpunk. On y suit principalement le personnage d’Andrés, un jeune homme d’une vingtaine d’années issu d’un arrondissement pauvre. La cité est en effet divisée en différents quartiers qui constituent comme un système de castes allant des plus pauvres aux plus aisés. La narration est à la troisième personne omnisciente ce qui permet de découvrir les points de vue des différents personnages que l’on rencontre.

La scène d’ouverture commence directement dans l’action quand Andrés et son androïde, Alice, qu’il considère comme sa meilleure amie, assistent au Carnage : une compétition à la mort qui voit s’affronter chaque année robots humanoïdes et humains.

On apprend rapidement qu’Alice est désignée participante de la prochaine édition de cette compétition, un an plus tard, au grand désespoir d’Andrés qui va tout faire pour empêcher la mort de son amie.

Les thèmes abordés sont variés : la question de l’humanité et de la conscience, l’amitié, la haine, la recherche de la gloire ainsi que celle du sens de la vie.

Le monde et son organisation se dévoilent au fur et à mesure que l’on suit les personnages. Tout se met en place avec légèreté et cela rend la lecture fluide.

Les personnages offrent une diversité de genres et de carnations ainsi que des personnalités bien campées et travaillées.

Le récit est parsemé de touches d’humour dans les réactions des personnages ou le choix du vocabulaire, en dépit des thèmes assez lourds, ce qui donne un peu de souffle à l’ensemble.

Le tout est servi par une plume fluide qui rend cette lecture très agréable.

Je recommande cet ouvrage aux lecteurs et aux lectrices qui recherchent de l’action et des combats dans un univers futuriste dystopique.

Quelques citations :

— Ce qui est injuste, c’est que mis à part les condamnés, les hommes sont volontaires quand ils s’engagent ! Les robots ne sont que du bétail tiré au sort… Alice ne souhaite pas prendre part à ce massacre. Elle aime l’humain, elle voulait que Malik gagne ! La Fédération ne force pas simplement les androïdes à mourir, elle les force à devenir des assassins. Pourquoi seul l’homme devrait avoir le choix ?

Ils s’engagèrent dans un couloir enténébré dont la lisière encadrait une nature morte. Deux maisonnettes beiges, ornées de poutres de bois, étaient éclairées par un lampadaire noir qu’on aurait dit dessiné au fusain. Ils rejoignirent la lumière. Ce qui ressemblait à un tableau devint une petite ruelle pavée de pierres anciennes, offrant à la nuit une lueur chaleureuse. La propreté du sol frappa Andrés. Rien n’y traînait, ni mégot, ni canette écrasée, ni papier, ni entassement de poubelles empilées sur les bords de sentiers. Quelque chose d’artificiel flottait dans le parfum ambiant, quelque chose entre bois et agrume, qui se rapprochait de l’air de Nefer, en étant plus discret et moins sucré. En ne tenant pas compte des passants qui les dévisageaient avec, bien souvent, du mépris, la découverte l’enchanta. Andrés ignorait qu’il existait des rues étroites aussi charmantes, impeccables, et calmes, au sein de Forseti. Dans son arrondissement à lui, on évitait l’exiguïté, considérée risquée en l’absence du soleil.

— On ne sait pas ce qui se passe dans la tête des gens quand ils affrontent ensemble une épreuve telle qu’un Carnage, répondit Alice d’une voix pensive. Et puis, je trouve qu’il est normal de chérir une vie que l’on a sauvée.

— Le fait d’agir dans ton droit ne te donne pas raison, ça ne fait pas de toi un mec correct, articula Émilio.

— Tu n’es personne. Ce n’est pas toi qui décides qui a tort ou qui a raison.

À Forseti, ainsi que dans de nombreuses villes, la justice était comme la solidarité, la gentillesse ou l’honnêteté : des choses pas très sérieuses.

SORTIE LE 14 OCTOBRE 2022

Illustration arabesque : Claire_Giral